Note sur "La Banquise"
« Véronika : - Je déplais beaucoup à certaines personnes.
Alexandre : - C’est normal. Il faut déplaire beaucoup à certains...
pour plaire à d’autres tellement. »
Jean Eustache,La Maman & la Putain, 1973
La Banquise(1983-1986) a été l’œuvre d’une petite dizaine de personnes, dont une moitié de femmes. Nous nous étions rencontrés pour la plupart autour de 1968, et les années suivantes nous avaient offert diverses occasions de nous retrouver et d’agir ensemble, jusqu’à nous faire éprouver le besoin d’une expression collective. L’une des idées directrices en était résumée sur la couverture du n°1 :
« L’image de la glaciation exprime seulement le moment présent de l’histoire humaine, dans lequel un mouvement social s’est partiellement figé. Nous ne pensons pas qu’il ne se passe rien. Le démon des glaces – le prolétariat – est toujours là. Mais trop d’actions vont dans des directions capitalistes pour qu’un surgissement révolutionnaire prochain, s’il survenait, n’en souffre pas. On ne peut attendre de la crise du capitalisme qu’elle résolve celle du communisme. Depuis quinze ans, nous n’en sommes qu’aux premières escarmouches, alors que le crétinisme sévit et que la guerre menace. La période récente, caractérisée par un reflux relatif des luttes de classes dans les grandes métropoles, est-elle un hiver un peu long, ou s’agit-il des premières années d’une grande glaciation séculaire ? »
Autant que les textes publiés, la liste des thèmes prévus, annoncés et malheureusement non traités donne une idée de la visée qui était la nôtre : entre autres, nous envisagions d’écrire sur la biologie, sur le langage, sur l’Internationale Situationniste, et d’aborder « Les mésaventures du négatif. Qu’y a-t-il de communiste dans les refus dont se nourrissent les néo-réformismes (écologisme, féminisme, attachement aux racines...) ? » Avec l’aide de quelques amis, nous avions aussi animé un petit collectif critique de la prison, qui publia un bulletin, Prisonniers de la démocratie.
L’intention était de contribuer à ce que les situationnistes appelaient une « critique unitaire du monde ». Projet très partiellement réalisé, pour des raisons tenant autant à nous qu’à l’époque.
Bien que chaque article ait été discuté en commun, de fait les principaux rédacteurs en étaient Jean-Pierre Carasso (décédé début 2016), Serge Quadruppani et moi.
Le dynamisme d’un groupe se mesure en particulier à sa capacité de s’agréger de nouveaux éléments. Sur ce point, le bilan est mitigé. Après les deux premiers numéros, nous ne nous sommes enrichis que de la venue d’une personne, qui d’ailleurs nous apporta beaucoup.
Quelques camarades, dont Jean-Pierre Carasso, se sont retirés après le n°3. A la suite du n°4, plusieurs participants, dont je ne faisais pas partie, ont publié les 3 numéros du Brise-Glace (1988-90). On doit notamment au Brise-Glace une critique excellente de la démocratie : Le Point d’implosion de l’idéologie démocratiste.
En 1997, Jean-Pierre Carasso, Serge Quadruppani et moi avons brièvement pensé publier un 5e numéro deLa Banquise, qui ne vit jamais le jour, pour des raisons tenant autant à nous qu’à l’époque.
Le site http://archivesautonomies.org/, « Fragments d’histoire de la gauche radicale », riche en documents et dont on ne peut que recommander la visite, reproduit en PDF les sommaires et la totalité des articles de La Banquise et du Brise-Glace :
http://archivesautonomies.org/spip.php?page=recherche&recherche=La+Banquise
Sont également accessibles en ligne sur le site troploin :
Pour un monde sans morale(1983) : https://troploin.fr/node/37
Y a-t-il une question juive ? : http://www.troploin.fr/node/6
Critiquer la justice en tant que telle(extrait d’un article de 1986) : https://troploin.fr/node/13
Et pour Le Point d’implosion de l’idéologie démocratiste, paru dans Le Brise-Glace en 1989 : https://troploin.fr/node/19
Trente ans ont passé. Chacun est désormais à même de juger textes en main du contenu et de son intérêt.
En septembre 2016, les éditions Asymétrie ont republiéSous le travail, l’activité, article paru en 1986 dans le n°4 deLa Banquise, accompagné d’une postface de 2016.
Une version très augmentée de cette postface est disponible sur le blog DDT 21 :